vendredi 7 mars 2014

Le fil de la discussion

         J'ai comme perdu le fil, trop déroulé la bobine. Le bouton a sauté, et je m'effondre, pantin dans ma cage à lapin. Les jours opaques me claquent.

         Dans cet état de consistance modifiée, je me froisse, à l'endroit, à l'envers, à la lisière de l'ourlet... Une épingle de sûreté pour m'éviter de tomber : le souvenir de cette comète, qui,s'effaçant, me laissa voir une somptueuse traînée.

         Qui est celle qui, avec son dé à foudre, s'amuse à glisser l'aiguille dans le cœur de la poupée ? Serait-il temps d'en découdre ?


         –L'aube, d'un lumineux coup de gong, arrondit la réalité, galbant les rideaux blancs.

         Je ne te fais pas un dessin, tu les fais bien mieux. Et pour tout dire,je n'ai plus envie de seconde peau. Plutôt d'une seconde mue, un tissu plus chantant à caresser, la fourrure d'une vivante zibeline. Une plus noble douceur...


         Allez, passe de l'autre côté, sors de ta vitrine. Je ne demande qu'un écart, un point d'accord, une coïncidence à relever. Arrondir les angles, pour suivre le fil avec aisance. Rien de biaisé. Un espoir, c'est un peu un patron, sur lequel découper le tissu des jours,non ?

         Le fil n'est-il pas assez fin, pas assez léché et mordillé, pour se glisser dans le chas de l'aiguille ?

         Tu es tellement plus terre, à terre, belle de paradoxe, qu'il n'y est de tissu assez digne de ta peau. Et mes mains oseraient s'y poser ? Oh, tu te cabres telle une vigogne ! Me faudra-t-il trois ans, pour apprendre la finesse, avant de pouvoir te prendre ?Me faut-il aussi relier par une aiguille de lune l'Himalaya au Chili ?

         –Je perds mon temps. Tu demandes le Bhoutan et je n'sais que jouer au dragon. Tu sais bien, oui, l'effondrement du vêtement social, démêler les nœuds pour plus de bonheur, couper le fil pour des escarmouches sporadiques sur le toit du monde, et le véhicule de diamant. 

         De l'utopie à la toupie, il n'y a qu'un jeu de maux et de joies partagés.

        Laisse-moi mouiller dans ta crique de saphir mon bateau ivre aux voiles de lotus. Laisse-toi pénétrer par tous les sons de la Nature qui te chuchote des tendresses. Ma peau ne saurait rester loin de tes caresses.

         J'abandonne mon corps à ton unique science. Vas-y, découpe-moi aux ciseaux. Sans amour, c'est mort... Mais de l'utopie à la toupie, il n'y a qu'un jeu de maux et de joies partagés. Des couleurs vives et des contrastes. 

       Tes rires me gagnent à plate couture. Félicitations ! Je te retire mon chapeau. Tu as gagné un gros lot d'une valeur inestimée. 

      Il t'attend au bout du fil.

        Oh, quel dommage, il n'est pas assez bien pour toi.